Le moment de change est, par essence, synonyme d'intimité... de par le fait que l'enfant est tout ou en partie déshabillé, son corps étant ainsi mis à nu sous le regard de l'autre, mais également de par la proximité relationnelle de l'adulte et de l'enfant. Commun et quotidien, ce moment pourrait être considéré comme anondin, sans grande importance. Et pourtant... Derrière la banalité du geste et au-delà de l'aspect hygiènique, se cachent de nombreux enjeux pour la relation éducative adultes-enfants.

Respect des besoins et du rythme de l'enfant

Cette première valeur signifie avant tout que l'enfant, quel que soit son âge, doit toujours être considéré comme un acteur du moment de changes, un personne à part entière et non un objet qui peut être manipulé et ce, même en douceur ! L'anticipation est donc importante : l'adulte avertit l'enfant qu'il va être changé. La mise en mots - ou verbalisation - est essentielle car elle est l'outil principal qui permet le respect de l'enfant en tant qu'individu. Plus l'enfant grandit, plus il sera actif et ce moment deviendra un temps d'échanges. La communication avec l'enfant est différente selon son âge, sa personnalité, ses besoins. Mais un temps et un espace doivent lui être garantis pour lui permettre de réagir et de participer. Cette verbalisation conduit également au respect d'une certaine intimité et intégrité du corps de l'enfant par une "mise à distance". Elle est donc aussi préventive : offrir à l'enfant un cadre sécurisant et contenant, sans trop envahir son intimité, son espace personnel.

Le respect des besoins et du rythme de l'enfant demande à l'adulte une grande disponibilité, physique et mentale, ainsi que de l'attention sur ce qu'il vit et manifeste durant ce moment. Il nécessite une présence constante à soi et à l'autre.

Autonomie

Comme nous l'avons mentionné, il est fondamental que l'enfant soit considéré comme un acteur du moment de changes. Dans cette perspective, il doit pouvoir bénéficier d'un espace et d'un temps "pour faire seul", pour "se montrer grand" et développer ses propres compétences, mais aussi, lorsqu'il est tout jeune, pour anticiper et intégrer les gestes de l'adulte. Ainsi, en tant qu'acteur, l'enfant garde - dans une certaine mesure - la maîtrise de ce qui se passe durant ce moment ainsi que de actes que l'on pose sur son corps. Mais ce temps et cet espace lui sont proposés et non imposés. L'enfant a donc aussi le droit de ne pas vouloir participer, de se laisser faire, d'être "petit". L'autonomie est un droit et non un devoir.

Plaisir de l'enfant

Prendre soin de soi et de son corps avec plaisir est un apprentissage essentiel. Le temps des changes est donc un moment privilégié pour permettre à l'enfant la découverte et l'exploration de son corps, l'expérimentation de nombreuses sensations tactiles. Ce moment est donc une activité à part entière, tout aussi importante que le repas, la sieste ou la promenade. Enfin, le plaisir naît aussi du fait que le moment de changes est prétexte à divers jeux : coucou avec un tissu (lavette, gant de toilette, etc), massages, comptines chantant les différentes parties du corps, jeux d'eau.

"Les adultes voient souvent dans l'intimité une sorte de privilège qu'on peut ou non offrir à l'enfant, alors qu'il s'agit d'un droit fondamental qui aide l'enfant à mieux forger son identité." (Martin, Poulin, Falardeau, 1995, Le bébé en garderie, Ed. Presses de l'Université du Québec.)

[Un développement de ce texte a été publié dans la Revue Petite Enfance, "Intimité et sexualité de l'enfant en collectivité", n°92, décembre 2004, éditions Pro Juventute]

"L'éducation consiste à comprendre l'enfant tel qu'il est, sans lui imposer l'image de ce que nous pensons qu'il devrait être"

J. Krishnamurti